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Economie

Mines : la filière africaine à la croisée des chemins

Pourvus de colossales richesses minières, opérateurs privés et États africains sont bien décidés à tirer parti de ce pactole en puissance. Les difficultés et défis à relever n’en demeurent pas moins bien présents.

Annoncée, la tendance aura été confirmée : 2022 s’est imposée comme une année de forte croissance pour l’industrie minière en Afrique. Pour la seule Afrique du Sud, dont le secteur extractif constitue l’un des piliers de l’économie nationale, la production minière locale a augmenté de 12 % en 2021. Résultat, l’exportation des produits miniers a généré des recettes de 1  000 milliards de rands, soit l’équivalent de 63 milliards de dollars, entre 2021 et 2022, selon une étude du PAFTRAC, une plateforme dédiée au secteur privé et supportée par l’Union Africaine, la BAD et Afreximbank. Un record pour le pays, ainsi qu’une bouffée d’air pour une économie plus que fragilisée par la pandémie de Covid 19.

De même, au Gabon, dont l’activité minière se concentre autour de l’exploitation du manganèse, de l’or et du fer dont le pays détient des réserves abondantes, au cours du 2e trimestre 2022, l’activité a enregistré une hausse de 8 % par rapport au premier trimestre, avec une production de 2,5 tonnes. Une hausse tirée notamment par le manganèse, dont la production s’est consolidée. Et les perspectives s’annoncent toutes aussi positives pour les années à venir, d’autant que le secteur est loin d’avoir épuisé toutes ses réserves, bien au contraire.

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Près d’un tiers des réserves minérales mondiales

D’après les Nations unies, l’Afrique abriterait près d’un tiers des réserves minérales mondiales, 8 % du gaz naturel et 12 % des réserves pétrolières. Le continent possède par ailleurs 40 % des réserves aurifères ; chiffre qui s’élève à 90 % lorsqu’il s’agit du chrome et du platine. Un potentiel largement sous-exploité. Longtemps concentrée sur le pétrole et le gaz, la filière « matières premières » est toutefois de plus en plus diversifiée, avec la montée en puissance du secteur minier. Un développement bienvenu pour des pays qui ont grand besoin de ces revenus supplémentaires afin de lisser leurs recettes dans le temps en cette période d’incertitude économique.

De fait, la contribution des industries extractives aux recettes publiques est d’ores et déjà d’une importance capitale pour de nombreux États africains, 15 pays d’Afrique subsaharienne étant dotés d’un secteur minier dont la part dans le produit intérieur brut (PIB) excède 10 %. Une tendance qui pourrait encore s’accentuer dans les années à venir. En effet, selon la Banque africaine de Développement (BAD), les ressources extractives de l’Afrique pourraient doubler leur part dans les recettes publiques et atteindre 30 milliards de dollars par an au cours des vingt prochaines années.

Sur ce point, « les choses sont en train de bouger », observe Francis Nze-Bekale, ancien patron de la Société équatoriale des mines (SEM) et aujourd’hui directeur général du cabinet de conseil panafricain Africa Consulting & Trading (ACT) Afrique et administrateur indépendant au sein de son conseil d’administration du groupe américain Vaalco Energy. « On voit en particulier le développement de plusieurs projets importants franchir des étapes décisives, comme les deux projets de fer géants de Simandou en Guinée et Belinga au Gabon. On entre par ailleurs dans une ère nouvelle grâce à l’émergence de nouveaux pôles miniers dans des pays relativement moins explorés qui ont attiré et vont continuer d’attirer des investissements », précise l’expert gabonais en citant le Kenya, l’Égypte et le Maroc.

Une multitude de défis à relever

Reste que le secteur en Afrique est soumis à un certain nombre de défis. En matière de politique minière, « la difficulté à évaluer de manière précise et exhaustive leurs propres ressources est notamment l’un des premiers handicaps des pays africains », explique Bareja Youmssi, enseignant et chercheur à l’Université du Cap en Afrique du Sud. « On ne peut pas vendre, négocier, ou spéculer sur un gisement qu’on ne connaît pas », souligne ce spécialiste du secteur minier, citant les gisements de fer de Lobé Kribi au Cameroun, Belinga au Gabon et Simandou en Guinée. Des gisements qui, selon lui, ont été cédés en deçà de leur valeur, du fait justement de cette méconnaissance.

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À ce jeu-là, les pays du continent ne sont pas tous logés à la même enseigne. C’est l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe qui seraient les mieux outillées quand il s’agit de traiter avec les compagnies minières, explique Bareja Youmssi, qui pointe par ailleurs l’avantage de disposer d’un code minier communautaire comme en Afrique de l’Ouest, celui-ci permettant aux États « d’être plus forts dans les négociations ». Mais, toujours selon l’universitaire, la corruption ouvre malheureusement de grandes brèches dans l’édifice.

L’Afrique centrale (zone CEMAC) fait ici office de maillon faible, comme l’illustre la part dérisoire des revenus miniers dans le budget de ses pays (Cameroun, République centrafricaine, République du Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad) : « L’apport du secteur minier dans leur PIB ne dépasse pas les 3 %, ce qui est insignifiant au vu des énormes ressources minières dont regorgent des pays tels que le Gabon ou le Cameroun », éclaire l’expert camerounais qui milite, comme bien d’autres, pour « la mise en place d’une véritable chaîne de valeur locale ».

Une ambition qui ne va cependant pas de soi, « l’industrie minière [étant] un secteur très capitalistique qui nécessite des moyens financiers élevés, ce qui explique la prédominance des compagnies minières non africaines, à l’exception de l’Afrique du Sud », fait remarquer Nze-Bekale. De ce point de vue, « la mine artisanale peut permettre aux investisseurs privés locaux de se familiariser avec les enjeux du secteur  », résume ce fin connaisseur de la filière, qui préconise aux différents gouvernements d’agir résolument sur deux axes : favoriser l’écosystème des sous-traitants locaux et faciliter l’investissement local.

De plus en plus d’opérateurs privés africains

De fait, les opérateurs privés d’origine africaine sont de plus en plus nombreux à tirer parti des opportunités offertes par le développement de la filière. Guinéen de naissance, installé aux États-Unis depuis plus de deux décennies, et directeur de gestion au sein de RTT SA — une entreprise de maintenance minière — Omar Bah est de ceux-là. « L’année dernière, notre société a participé au traitement de plus de 100 millions de tonnes de minerais différents, du minerai de fer à l’or en passant par la bauxite, en Afrique de l’Ouest, en Mauritanie, et jusqu’au Gabon. Nous avons été directement impliqués dans la fourniture d’équipements ainsi que dans la maintenance, tout en étant intégrés aux employés de la mine ou en tant que conseillers en ingénierie pour optimiser les opérations de nos clients », se félicite notre interlocuteur.

Autre point positif, l’engagement de plus en plus fort des acteurs locaux sur les enjeux liés à la transition énergétique. Une dynamique synonyme d’opportunités commerciales et de profits. « Notre entreprise mise sur les énergies renouvelables, notamment au Sénégal, où le groupe accompagne les ambitions nationales dans leur production de gaz naturel. Notre nouveau projet, appelé Nouvelle alliance Afrique-Amérique pour l’acier et l’aluminium, entend utiliser le gaz naturel du Sénégal pour transformer les matières premières, et devrait à terme faire passer l’Afrique de l’Ouest du statut d’exportateur de minéraux à celui de transformateur », s’enthousiasme le directeur de gestion de RTT, qui veut croire que « l’Afrique peut être la solution pour tout le monde [car] c’est le futur  ».

Mettre fin à la malédiction des matières premières

De quoi mettre un terme à la « malédiction des matières premières africaines » et inscrire le secteur comme une véritable source de croissance, pour les États autant que pour les populations locales. Une évidence pour un continent qui a littéralement de l’or sous les pieds. En attendant, le Ghana envisage de régler ses problèmes financiers grâce à ses réserves d’or. En effet, le vice-président ghanéen a récemment annoncé qu’à partir de 2023, le pays paiera ses importations en or et non plus en dollars…

Source : Forbes Afrique

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