Côte d’Ivoire, Sénégal, Cameroun, Maroc : dix entrepreneurs qui vont bousculer la fintech
En pleine expansion depuis dix ans, la fintech africaine a encore de beaux jours devant elle, selon de nombreux analystes. Situés dans les pays anglophones, au Kenya et au Nigeria notamment, les acteurs les plus dynamiques pourraient bientôt voir leur domination contestée par les startuppers d’Afrique francophone.
C’est un secteur en plein essor depuis une décennie sur le continent, et, si l’on en croit la dernière étude de McKinsey, le mouvement s’est encore accéléré récemment. Entre 2020 et 2021, le nombre de start-up de la tech en Afrique a ainsi triplé, pour atteindre 5 200 entreprises, dont la moitié sont des fintechs. Elles s’appellent Flutterwave, Chipper Cash, Kuda, Jumo, Intouch ou encore Wave, et font partie des entreprises les plus connues et les plus florissantes de la fintech africaine. –
Ces technologies viennent répondre aux besoins que le secteur bancaire traditionnel ne parvient pas à prendre en charge, sur un continent où le taux de bancarisation reste faible et où 90 % des transactions se font encore en espèces. Les fintechs proposent donc des services (banque en ligne, microcrédit, portefeuille électronique, assurance, etc.) qui visent à assurer à leurs clients plus de transparence et de simplicité dans leurs transactions, tout en leur permettant une réduction des coûts pouvant atteindre 80 %, selon l’étude du cabinet McKinsey.
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Le potentiel de croissance de la Fintech africaine est considérable, en raison de la jeunesse de la population du continent, de l’augmentation du taux de pénétration des smartphones, et de l’amélioration constante de la couverture réseau. McKinsey avance même que les revenus du secteur pourraient être multipliés par huit d’ici à 2025, pour atteindre 30 milliards de dollars.
Cependant, ces start-up sont concentrées dans certains marchés bien précis, notamment anglophones, comme le Kenya ou encore le Nigeria. Mais selon l’étude du cabinet de conseil des pays tels que le Sénégal, le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou encore le Maroc présentent également un fort de potentiel de croissance dans ce secteur. Quels sont les entrepreneurs qui parviennent à se démarquer au sein des marchés francophones ? Petit tour d’horizon.
Côte d’Ivoire
Hassan Bourgi et Régis Bamba, fondateurs de Djamo
Djamo est la deuxième start-up lancée par Hassan Bourgi. La première s’appelait Busportal – depuis devenue redBus –, une plateforme de vente de tickets de bus au Pérou. Mais en 2019, fort de ce succès, l’entrepreneur d’origine libanaise quitte l’Amérique, traverse l’Atlantique et s’établit en Côte d’Ivoire, où il rencontre Régis Bamba. Avec ce développeur et chef de produit chez MTN Côte d’Ivoire, Hassan décide de fonder Djamo en 2020.
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La start-up se veut une réponse aux limites des systèmes bancaires traditionnels. Elle offre une carte d’accès pour des transactions en ligne, ainsi que des solutions d’épargne et d’investissements regroupées dans une même application. La plateforme propose également une éducation financière à sa clientèle. En 2021, l’entreprise qui revendique 200 000 clients est soutenue dans son développement par l’incubateur américain Y Combinator.
Anouar Traboulsi, fondateur de Green Pay
Ancien propriétaire de la société de BTP Omni Travaux – vendue à Marylis BTP, filiale du Groupe Snedai, du puissant entrepreneur ivoirien Adama Bictogo –, Anouar Traboulsi s’est converti à la fintech. En 2020, en pleine pandémie mondiale, il lance Green Pay, une jeune pousse qui, grâce à un partenariat conclu au début de 2021 avec le Groupement interbancaire monétique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Gim-Uemoa), travaille aujourd’hui avec quelque 140 établissements bancaires de la région.
Green Pay met à la disposition des commerçants clients des banques partenaires de Gim-Uemoa des terminaux de paiement électronique (TPE). Lesquels sont compatibles avec les cartes Visa, MasterCard, et le paiement mobile quel que soit l’opérateur. Anouar Traboulsi, qui prévoit également de développer des cartes bancaires digitales, est parvenu à susciter l’intérêt d’Orange Côte d’Ivoire, qui a récemment racheté la majorité du capital de Green Pay. Essentiellement active en Côte d’Ivoire, la start-up envisage désormais une expansion dans la région ouest-africaine.
Sénégal
Aziz Yérima, fondateur et directeur général de PayDunya
Au départ, PayDunya est une aventure collective née à l’École supérieure multinationale des télécommunications de Dakar. Aziz Yérima, Béninois, fédère autour de lui trois camarades venus de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo. Ensemble, les compères dressent un constat : sans carte bancaire, il est extrêmement difficile de payer les hébergements du site web qu’ils ont créé en 2013 dans le cadre d’un projet de GIE de femmes à Pikine.
C’est ainsi qu’ils décident de créer PayDunya, en janvier 2015, dans le but de donner accès aux services de paiement en ligne à tous les Africains. L’entreprise propose des solutions pour faciliter l’émission et la réception de paiements en ligne pour particuliers, et permet la collecte et le déboursement de paiements de masse pour les entreprises. Tout cela ne nécessitant d’avoir ni compte bancaire ni carte Visa. Aujourd’hui, PayDunya compte plus de 1 200 entreprises clientes, et revendique plus de 15 millions de transactions depuis sa création, pour un montant de 110 milliards de F CFA (170 millions de dollars).
Dina El Kadry, fondatrice et directrice générale d’Alpha Digicredit
Dina El Kadry a déjà eu plusieurs vies. À 24 ans, cette Sénégalo-libanaise gérait déjà un restaurant à Saint-Louis. Elle décide finalement de se consacrer entièrement à l’apprentissage, et obtient un bachelor en marketing, communication et développement commercial à la BEM Management School de Dakar, doublé d’un diplôme en finance islamique. Forte de ces succès, elle démarre sa carrière dans la communication, et devient rapidement directrice de la communication du groupe bancaire CBAO–Attijariwafa Bank.
Son intérêt pour le secteur immobilier lui permet d’accéder au poste de directrice du crédit immobilier au sein du groupe en 2015. C’est là qu’elle commence à imaginer une plateforme digitale de financement immobilier, afin de démocratiser l’accès au crédit. Alpha Digicredit voit finalement le jour en 2020. L’entreprise propose le montage et le portage de dossiers de financement auprès des banques, et accompagne ses clients à partir du choix du bien immobilier jusqu’à son financement.
Maroc
Abdeslam Alaoui Ismaili, fondateur et directeur général de HPS
Abdeslam Alaoui Ismaili n’est pas un nouveau venu dans l’écosystème de la Fintech africaine. Après des études universitaires à Toulouse, le jeune diplômé marocain crée Hightech Informatique en 1992, afin de revendre au Maroc des ordinateurs NeXT. L’entreprise échoue mais, trois ans plus tard, avec trois autres collaborateurs, il cofonde la start-up dont il est aujourd’hui le directeur général : Hightech Payment Systems (HPS).
L’entreprise est spécialisée dans la fourniture de solutions de paiement pour différentes institutions, dont la toute première fut GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc). Son produit phare est la suite logicielle PowerCARD, une plateforme « tout-en-un » qui traite tous types de carte (crédit, débit, prépayées, de fidélité) via tous les canaux (GAB, TPE, Internet et mobile) et pour tout type de commerce. Elle est aujourd’hui utilisée par plus de 450 institutions dans plus de 90 pays. HPS est également cotée en Bourse depuis 2006, et a vu son chiffre d’affaires bondir de 18,2 % entre 2021 et 2022, atteignant 44 millions de dollars.
Emir Lallouche, cofondateur et directeur général de Yalla Xash
La création de Yalla Xash, Emir Lallouche l’a décidée à la suite d’une expérience personnelle. Après des études en informatique à Poitiers, et alors qu’il vit au Canada, l’un de ses amis doit envoyer de l’argent à sa mère malade. Mais la compagnie américaine qui se charge de la transaction bloque les fonds, et la pauvre femme décède avant d’avoir pu percevoir cette somme. Emir prend alors conscience de la complexité de transférer des fonds entre son pays natal et le Canada, et créée Yalla Xash en 2017.
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Via son application, l’entreprise s’engage à transférer de l’argent entre les deux pays en moins de 30 secondes, à peu de frais, et de manière totalement sécurisée. Et il semble que la start-up ait le vent en poupe : elle a connu une augmentation de 35 % de ses volumes de transaction durant la crise sanitaire mondiale, lorsque les Marocains du Canada ont massivement soutenu leur famille. C’est peut-être cela qui a incité le Maroc Numeric Fund — pour son quatrième investissement de 6 millions de dirhams (plus de 550 000 euros) en juin 2021 — à jeter son dévolu sur Yalla Xash.
Cameroun
Serge Boupda, fondateur et directeur général de Diool
Cela va faire dix ans que Serge Boupda est rentré dans son pays natal. Après quinze ans passés en France – dont dix en tant que trader à la Société générale –, cet ingénieur de formation, également passé par HEC Paris, décide de partir en croisade contre les paiements en espèces au Cameroun. Pour concrétiser cette ambition, il fonde Diool en 2013 : la start-up vise à faciliter la comptabilité des commerçants camerounais en réunissant plusieurs services de paiement financiers sur une même plateforme numérique.
La première transaction officielle est réalisée en janvier 2016 et, depuis, Diool a bien grandi. Elle enregistre aujourd’hui plus de 2 500 commerçants utilisateurs, pour un montant de 120 millions de dollars de transactions entre 2016 et 2021. Un succès qui a permis à l’entreprise de lever 3,5 millions de dollars en 2021, de quoi continuer son expansion au Cameroun, puis dans l’ensemble de l’Afrique centrale.
Nkwenti Azong-Wara, cofondateur et directeur général de Maviance
L’histoire a commencé il y a dix ans en Allemagne. Nkwenti Azong-Wara est alors ingénieur chez Siemens. En 2012, avec d’autres ingénieurs camerounais travaillant en Allemagne, ils décident de créer Maviance , afin de faciliter les paiements numériques des entreprises de leur pays natal. L’entreprise se développe rapidement et fait aujourd’hui figure de pionnière dans la fourniture de services financiers numériques et de logiciels commerciaux, dont le plus connu est la plateforme de paiement numérique Smobilpay, active depuis 2012.
Après avoir été directeur adjoint durant neuf ans, Nkwenti Azong-Wara est nommé directeur général de Maviance en janvier 2021. Son arrivée à la tête de l’entreprise est rapidement suivie par une levée de fonds de 3 millions de dollars auprès de la fintech panafricaine MFS Africa, afin de financer son expansion dans d’autres pays africains. Plus récemment, en février 2022, le capital de Maviance augmente encore de 200 000 dollars, à la suite de l’arrivée de la société Finafrik à son capital.
Mali
Simon Schwall, fondateur et directeur général d’OKO
Ce trentenaire franco-luxembourgeois passé par HEC Paris a commencé sa carrière en créant plusieurs services d’assurance en Papouasie -Nouvelle-Guinée, aux îles Fidji et en Égypte, au sein de l’entreprise suédoise Milvik Bima. Fort de cette expérience, il décide de fonder sa propre entreprise d’assurance agricole au Mali : OKO voit le jour en octobre 2017. Le principe de l’entreprise est simple : proposer aux petits exploitants agricoles une assurance-récolte contre les sinistres, grâce à des données météorologiques satellitaires et un système de paiement par téléphone portable.
Pour se développer, Simon Schwall a fait confiance à des acteurs locaux reconnus, comme Haoua Sissoko Traoré, première femme doctorante en « Population et Environnement » au Mali et actuelle « directrice pays », ou Adama Kouyaté, actuel directeur commercial. En cinq ans, OKO a déjà conquis plus de 10 000 clients au Mali, et s’est même récemment lancée sur un nouveau marché : l’Ouganda.
Daouda Coulibaly, fondateur et directeur général de Sama Money
Tout ne s’est pas passé comme prévu pour Daouda Coulibaly. Destiné à reprendre le commerce de pièces détachées paternel, le jeune homme décroche une bourse du programme « 300 jeunes » et part faire ses études en France. Son master en aménagement du territoire en poche, il commence pourtant par vendre des ordinateurs, puis forme ses clients à l’utilisation de logiciels de bureautique. Il finit par créer Trainis en 2008, une entreprise de formation qui étoffe rapidement son catalogue.
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Source : Jeune Afrique