AES: Un an après sa création, quel bilan pour l’Alliance des États du Sahel?
Il y a tout juste un an, le 16 septembre 2023, les régimes militaires putschistes du Mali, du Burkina Faso, et du Niger adoptaient la charte du Liptako-Gourma et créaient l’Alliance des États du Sahel : l’AES.
Avec pour but affiché de combattre ensemble les groupes armés présents sur leurs territoires respectifs. Aujourd’hui, l’Alliance est devenue Confédération, avec un périmètre d’action élargi. Un an après sa création, quel bilan peut-on tirer ?
Initialement, l’Alliance des États du Sahel (AES) a été conçue comme un pacte de défense, pour « lutter contre le terrorisme », les groupes armés liés à al-Qaïda ou à l’État islamique, mais aussi contre « toute rébellion armée ou autre menace portant atteinte à l’intégrité du territoire », à commencer par les rebelles du CSP (Cadre stratégique permanent), dans le nord du Mali.
La Charte du Liptako-Gourma prévoyait ainsi que « toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire de l’un des pays membres » serait « considérée comme une agression contre les autres », et entraînerait « un devoir d’assistance », « y compris l’emploi de la force armée ». En clair, l’AES est d’abord la promesse d’une mutualisation des moyens militaires pour combattre les groupes armés non étatiques au Sahel.
Coopération militaire : un bilan mitigé
Un an plus tard, de ce point de vue, le bilan est mitigé. L’armée malienne a délogé les rebelles du CSP de leur fief de Kidal, une victoire incontestable, mais uniquement grâce à ses supplétifs de Wagner et non à ses alliés du Niger ou du Burkina Faso. En dehors de quelques maigres prêts matériels, aucune contribution significative. Quant aux attaques des groupes terroristes, et notamment du Jnim, elles n’ont jamais été aussi nombreuses et meurtrières.
Pour ne citer que ce chiffre : plus de 3 000 civils tués dans ces trois pays rien qu’entre janvier et juin dernier, selon l’ONG Acled, contre 2 500 lors des six mois précédents. Des bilans qui n’ont cessé d’augmenter au cours des dernières années.
« Très souvent, des drones maliens interviennent au Burkina ou vice-versa, explique Arthur Banga, enseignant-chercheur spécialiste des questions de défense à l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan. Il y a des appuis de drones, des appuis aériens et des échanges d’informations. L’aspect psychologique est aussi très important, on l’a senti quand la Cédéao menaçait d’intervenir au Niger. De ce point de vue, c’est un succès. »
« Après, nuance le chercheur, du point de vue de la réussite opérationnelle, ce bilan est beaucoup plus mitigé. L’idée, l’engagement, ne suffisent pas. Il faut aussi le mettre en application à travers la doctrine, des états-majors communs, des exercices d’entraînement, des exercices d’intervention. Il y a tout ça qui manque. Et ça montre d’ailleurs, au-delà de l’AES, les difficultés que posent les questions de sécurité collective en Afrique. »
Plan d’action des opérations
Un « Plan d’action des opérations des pays de l’AES » est en préparation. Au début du mois, une délégation de l’armée malienne s’est rendue au Burkina et au Niger pour le présenter. Mais il ne s’agit à ce stade que d’un projet, dont le contenu n’a pas été révélé, et qui doit être validé par les états-majors. À ce jour, un an après la création de l’AES, les soldats maliens, burkinabè et nigériens ne combattent pas côte à côte sur le front.
Il faut dire qu’ils ont chacun fort à faire chez eux, avec des attaques jihadistes meurtrières presque chaque semaine. La récente tragédie de Barsalogho au Burkina, au moins 200 morts, sans doute beaucoup plus, tués par les jihadistes du Jnim, n’étant que la pire des dernières illustrations.
La création de l’AES a même eu un effet contre-productif, quoique très limité à ce stade : les rebelles du CSP, dans le nord du Mali, ont annoncé le mois dernier se rapprocher des rebelles du FPL (Front patriotique de libération), au Niger. Une annonce plus politique que concrète militairement, du moins à ce stade, et présentée par ces mouvements armés comme une réponse à l’union des régimes militaires de l’AES.
Une monnaie commune
Les trois Etats envisagent également d’autres projets, comme celui qui a défrayé la chronique en février dernier concernant la création d’une monnaie commune, afin de retrouver leur “souveraineté totale”.
Ulf Laessing, directeur de la Fondation Konrad Adenauer au Sahel, estime qu’il sera difficile pour ces trois Etats de réaliser leurs autres projets à part la coopération militaire, étant donné que les 12 derniers mois ont été caractérisés par un déficit économique.
“Je suis sceptique quant à la réalisation d’autres projets que la coopération militaire, comme la création d’une compagnie aérienne pour les trois pays, ou la sortie de la zone franc pour créer leur propre monnaie”, explique Ulf Laessing directeur de la Fondation Konrad Adenauer Sahel.
La situation sécuritaire dans les États de de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) continue à avoir un impact désastreux sur les écoles, qui ont été fermées par milliers durant l’année scolaire écoulée, selon les chiffres de l’UNICEF.
Annonces majeures du Colonel Goïta à l’heure du 1er anniversaire de l’Alliance des États du Sahel (AES)
Parmi les annonces clés, il a révélé l’introduction prochaine d’un passeport biométrique, destiné à faciliter la mobilité des citoyens au sein de la Confédération.
De plus, il a évoqué la création d’une banque d’investissement et d’un fonds de stabilisation pour soutenir les projets d’intégration économique. Des initiatives dans les domaines culturel, sportif et éducatif sont également prévues, tout comme le lancement d’une chaîne d’information commune, destinée à renforcer la cohésion régionale.