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Finance

Finances publiques du Sénégal : Comment les autorités comptent-elles faire face à la situation ?

Au Sénégal, les réactions s’enchaînent après la publication ce mercredi 12 février par la Cour des comptes, d’un rapport révélant des anomalies dans la gestion des finances publiques entre 2019 et mars 2024.

C’est d’abord le gouvernement qui est monté au créneau pour évoquer les irrégularités constatées par la Cour des comptes dans son rapport. Face à la presse, le gouvernement sénégalais a souligné que ce rapport “est une photographie fidèle de la situation financière du pays”.

Il a annoncé l’ouverture d’enquêtes judiciaires et d’éventuelles poursuites contre les responsables présumés d’irrégularités financières.

« L’exploitation du rapport a permis de relever des manquements graves qui pourraient revêtir diverses qualifications pénales » dont des « faux en écriture, détournements de deniers publics, blanchiment d’argent et enrichissement illicite », a déclaré le ministre de la Justice Ousmane Diagne.

Le gouvernement a aussi promis « une réforme en profondeur de la gestion budgétaire et de la dette publique » en vue d’assurer la viabilité des finances publiques tout en préservant la souveraineté économique du pays.

De son côté, l’APR, le parti de l’ex président Macky Sall, conteste vigoureusement le rapport de la Cour des comptes et rejette le rapport tant sur la forme que sur le fond.

« Nous ne savons pas qui a rédigé ce rapport, ni qui revendique sa paternité juridique car il n’a pas été signé. Nous rejetons ce rapport tant sur la forme que sur le fond et la finalité», a déclaré l’ancienne ministre des Affaires étrangères Aïssata Tall Sall.

« Si Macky Sall avait des choses à cacher dans sa gestion, il n’aurait pas mis en place cet organe de contrôle des gestions de ses gouvernements successifs», a ajouté la présidente du groupe parlementaire de la coalition «Takku-Wallu».

Un audit des finances publiques avait été ordonné par le président Bassirou Diomaye Faye, dès sa prise de fonction en avril 2024.


Que dit le rapport de la Cour des comptes ?

“L’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire s’élève à 18 558,91 milliards de francs CFA , au 31 décembre 2023, et représente 99,67 % du PIB”, un taux « supérieur » au montant annoncé par le précédent régime, indique le rapport sur la période allant de 2019 au 31 mars 2024.

La dette bancaire contractée en dehors du circuit budgétaire et sans approbation parlementaire atteignait 2517,14 milliards FCFA au 31 mars 2024.

Le rapport met en évidence des déficits budgétaires supérieurs à ceux affichés dans les documents officiels. Le déficit budgétaire, qui était annoncé par l’ancien régime « est inférieur à celui reconstitué par la Cour des comptes. », lit-on dans le document.

La Cour des comptes a recalculé ces déficits pour l’année 2023, passant ainsi de 4,9 % annoncé à 12,3 % du PIB, soit 2 291,00 milliards de F CFA.

Cette différence résulte principalement de la non-comptabilisation de certaines dettes et dépenses extrabudgétaires selon le rapport de la Cour.

Dans son rapport, la cour des comptes a révélé des “anomalies” telles que des rattachements irréguliers de recettes, des transferts opaques de fonds vers des comptes spécifiques et des écarts importants entre les montants déclarés et les montants réels des emprunts au Sénégal.

“Le régime du Président Macky Sall a menti au peuple et aux partenaires en falsifiant les chiffres pour donner une image économique qui n’a rien à voir avec la réalité”, avait déclaré le Premier ministre Ousmane Sonko, le 26 septembre 2024, faisant un état des lieux de la gouvernance du président Macky Sall, de 2012 à 2024.

“Le rapport sur la situation des finances publiques a révélé que la dette publique du Sénégal et le déficit budgétaire ont été plus élevés que publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019-2023”, selon Ousmane Sonko.

Les irrégularités et anomalies décelées par la Cour des comptes vont au-delà des prévisions faites par le gouvernement.

”Les travaux de la Cour ont permis de relever les constatations ci-après : des discordances sur les données de l’amortissement, de l’encours de la dette publique et des disponibilités bancaires, des anomalies constatées dans les surfinancements, des pratiques impactant la trésorerie de l’État, des manquements dans la gestion des dépôts à terme”, lit-on dans ce document de 57 pages.

La masse salariale est passée de 744,96 milliards de F CFA en 2019 à 1303,50 milliards de F CFA en 2023, marquant une augmentation de 74,97 %.

À la fin de l’année 2023, l’encours total de la dette représentait 99,67 % du produit intérieur brut (PIB) , selon le rapport de la Cour. Ce chiffre est bien au-delà de celui de 74,41 % précédemment annoncé par le gouvernement.

L’audit ordonné par le président Bassirou Diomaye Faye avait révélé que la dette et le déficit budgétaire du Sénégal étaient beaucoup plus importants que ce que l’administration de l’ancien président Macky Sall avait indiqué.

À la suite de cet audit, le gouvernement du président Faye a décidé en juin de ne pas présenter de demande de décaissement supplémentaire au titre de la facilité de crédit triennale de 1,8 milliard de dollars accordée par le Fonds monétaire international (FMI).

L’audit des finances publiques met également en lumière des transferts budgétaires massifs vers des structures non personnalisées de l’État via des comptes de dépôt, en dehors des règles en vigueur.

Certains de ces comptes, comme le CAP/Gouvernement, créé au profit de la Cellule d’appui à la mise en œuvre des Projets et Programmes (CAP), et le Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES), présentent des irrégularités, avec des engagements financiers sans couverture budgétaire.

Par ailleurs, l’État aurait contracté des emprunts au-delà de ses besoins réels, générant des surfinancements dont l’utilisation reste floue.

“Il est vrai que nous sommes dans un Etat de droit. Les deniers publics, dans le cadre de l’agencement juridique du pays, ont un statut privilégié. Et de ce point de vue, il ne m’appartient pas à priori de juger de l’effectivité des faits”, avait déclaré le ministre de la Justice, Garde des Sceaux.

“Il appartiendra donc aux autorités judiciaires et policières de le déterminer. C’est leur travail. Mais ce que je peux dire, c’est que ce sera fait avec le maximum de rigueur, de transparence et sous réserve de la règle et du principe de la présomption d’innocence”, précisait-il.

Source : BBC Afrique

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