Economie

Sénégal : quel bilan économique? Retour sur la première année de Bassirou Diomaye Faye au pouvoir

Bassirou Diomaye Faye est arrivé à la présidence du Sénégal il y a un an. L’occasion de faire un premier bilan de son action sur l’économie du pays, car quand il est entré en fonction, il avait beaucoup d’ambitions pour réformer le Sénégal. Décryptage de RFI

Bassirou Diomaye Faye souhaitait mener une transformation systémique du Sénégal. Ce sont les mots de ses ambitions en menant tout un tas de réformes, dont celle du service public. Car quand il est arrivé à la tête du Sénégal, la croissance était soutenue : aux alentours de 5-6 % par an. Le pays attendait les revenus des investissements réalisés sous son prédécesseur, Macky Sall, et notamment dans le secteur pétrolier et gazier. Mais il a dû aussi compter avec une dégradation des comptes publics et un fort taux de chômage, surtout chez les jeunes, situation couplée à un coût de la vie très élevé.

Et justement, très vite, Bassirou Diomaye Faye a joué la carte de la transparence sur le sujet en commandant à la cour des Comptes un audit sur les finances du Sénégal. Dix mois de travail ont été nécessaires avant que les conclusions soient rendues publiques. Et elles sont claires : la dette est plus importante qu’annoncé, autour de 100 % du PIB. Le déficit budgétaire est quant à lui aux alentours de 12 % du PIB.

Une transparence non sans conséquences

L’agence de notation Moody’s a immédiatement dégradé la note du pays à B3, deuxième dégradation pour cette agence en seulement quelques mois. De même pour Standard & Poors. Cela veut dire que si l’État veut emprunter, cela lui coutera plus cher en raison de taux d’intérêt plus élevés sur les marchés. Et puis les investisseurs étrangers, voyant les notes baisser, peuvent être dissuadés de faire des affaires au Sénégal. Mais l’exécutif assure garder le contrôle de la situation et espère renouer très vite avec le FMI qui a suspendu son programme à la suite des résultats de l’audit.

Bassirou Diomaye Faye a aussi besoin d’une reprise rapide des décaissements pour appliquer son plan. Le président souhaite que le Sénégal renforce sa souveraineté économique et son indépendance financière. Il entend par là renégocier autant que possible les contrats pétroliers, gaziers et miniers pour que l’État obtienne une plus grande part des revenus. Il envisage une réforme fiscale et a aussi rappelé sa volonté d’abandonner le franc CFA, même si à ce jour aucune mesure n’a été dévoilée.

Bassirou Diomaye Faye entend également redonner la priorité à l’agriculture et répondre aux besoins immédiats de sa population. Par exemple, en juin dernier, le gouvernement a annoncé une baisse des prix des denrées alimentaires comme le riz, l’huile, le sucre et le pain.

Mesures économiques et sociales

L’action gouvernementale s’est rapidement matérialisée par des mesures sociales concrètes. Le 13 juin 2024, le gouvernement a décrété des baisses significatives sur les prix des denrées de première nécessité : le kilogramme de sucre est passé de 650 à 600 francs CFA, le riz brisé non parfumé a bénéficié d’une réduction de 40 francs CFA, le litre d’huile raffinée a diminué de 100 francs, et la baguette de pain est désormais vendue à 150 francs, soit 25 francs de moins. Ces mesures concrétisent les engagements pris durant la campagne présidentielle et visent à atténuer les difficultés économiques des populations.

Développement du secteur énergétique

Un tournant majeur de cette première année de gouvernance a été l’entrée effective du Sénégal dans le cercle des pays producteurs de pétrole après plusieurs années d’exploration. Le 11 juin 2024, les premières gouttes de pétrole ont été extraites du champ offshore Sangomar, au large de Dakar. Ce projet, opéré par l’australien Woodside, a produit 2,70 millions de barils de pétrole brut en février 2025, selon le ministère du Pétrole. Une partie de cette production a été destinée au marché local, marquant une étape clé dans la valorisation des ressources sénégalaises.

Le secteur gazier n’est pas en reste, avec l’ouverture officielle du premier puits de gaz naturel du projet Grand Tortue Ahmeyim le 31 décembre 2024. Ce gisement transfrontalier, développé conjointement avec la Mauritanie, constitue l’une des plus importantes découvertes gazières en eaux profondes d’Afrique de l’Ouest.

Réformes institutionnelles et lutte contre la corruption

La lutte contre la corruption, engagement phare du Pastef, s’est concrétisée par l’activation du Pool judiciaire financier le 10 août 2024. Cette nouvelle structure remplace la controversée Cour de répression de l’enrichissement illicite. Selon un communiqué de la Primature publié le 18 janvier 2025, le PJF affiche un bilan significatif : 91 dossiers traités dont 87 transmis aux juges d’instruction, 162 arrestations effectuées et plus de 2,5 milliards de francs CFA saisis.

Au-delà de cette initiative, le président Faye, marqué par sa propre expérience d’incarcération pour critique de la magistrature, a lancé un ambitieux processus de réforme judiciaire. Le 28 mai 2024, il a présidé l’ouverture d’un dialogue national sur la réforme et la modernisation de la justice à Diamniadio, près de Dakar, précisant qu’il ne s’agissait pas d’un « procès en inquisition » mais d’un « débat lucide et serein » pour améliorer le système judiciaire.

Ce dialogue inclusif, qui a réuni universitaires, magistrats, avocats, greffiers, représentants de la société civile et même d’anciens détenus, a abouti début juin à des recommandations majeures : limitation des pouvoirs du procureur de la République, instauration d’un juge des libertés et de la détention, transformation du Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle, et réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature pour le rendre plus autonome vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Un large consensus s’est dégagé autour de la nécessité d’une « refondation de la justice » avec une « césure à opérer avec ses symboliques issues de la colonisation » pour refléter les valeurs propres au Sénégal et renforcer la souveraineté judiciaire. Le développement d’une justice de proximité, avec l’élargissement des compétences des maisons de justice, a également fait l’objet d’un fort consensus.

Programmes d’accès à l’eau potable

L’accès à l’eau potable s’est imposé comme une composante essentielle de la politique sociale du gouvernement. En matière d’hydraulique urbaine, plusieurs projets d’envergure ont été lancés dans diverses régions comme Kolda (Sud) , Saint-Louis(nord) , Richard-Toll (nord) et Foundiougne (ouest). L’hydraulique rurale a bénéficié de deux projets phares : la deuxième phase du projet d’accès à l’eau potable en zone rurale, prévoyant la construction de 101 forages et 89 châteaux d’eau, et le projet PROMOREN à Koungheul (centre-sud), visant à mobiliser 46,6 millions de m³ d’eau douce par an.

Relations diplomatiques et politique régionale

La politique étrangère de Bassirou Diomaye Faye se caractérise par une approche de « bon voisinage » et un engagement panafricain affirmé. Dès le 18 avril 2024, il effectuait ses premières visites d’État en Mauritanie et en Gambie. Lors du Forum de Doha du 7 décembre 2024, le président sénégalais a plaidé pour la stabilité régionale dans un contexte marqué par le retrait du Mali, du Niger et du Burkina, les pays membres de l’AES de la Cédéao et une réforme en profondeur de l’institution régionale.

Planification stratégique à long terme

Un temps fort de cette première année a été le lancement, le 14 octobre 2024, du plan « Sénégal 2050 : Agenda National de Transformation ». Cette feuille de route ambitieuse vise à transformer le Sénégal en une nation « souveraine, juste et prospère ». Le plan s’articule autour de quatre axes et fixe des objectifs ambitieux comme tripler le revenu par habitant d’ici 2050 et maintenir une croissance annuelle de 6 à 7%.

Malgré les avancées enregistrées, des défis majeurs subsistent au terme de cette première année. La réforme monétaire promise, visant à questionner l’appartenance à la zone Franc CFA, demeure en suspens. La mise en œuvre effective des réformes judiciaires adoptées nécessite des moyens considérables. Les attentes sociales restent fortes concernant l’emploi des jeunes et l’amélioration des conditions de vie.

À l’aube de sa deuxième année de mandat, le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye fait face à l’exigeante mission de transformer ces premières initiatives en changements structurels durables, tout en répondant aux attentes immédiates d’une population qui espère voir rapidement les bénéfices concrets de l’alternance politique historique de mars 2024.

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