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Economie

Le palmier à huile, future source d’électricité en Côte d’Ivoire

Très dépendant du gaz, le pays construit sa première centrale biomasse, dont le démarrage est prévu en 2025. Cacao, coton, hévéa : de multiples possibilités existent dans cette région très agricole.

Le récolteur brandit sa longue faucille à plus de quatre mètres de hauteur, puis, d’un coup sec et précis, détache une énorme branche qui s’effondre au sol. Pour récupérer les régimes du palmier à huile, emprisonnés à la naissance des branches de l’arbre, ce geste est reproduit des milliers de fois, chaque jour, à travers la Côte d’Ivoire. Dans le pays, deuxième producteur africain d’huile de palme, les précieux fruits rouges sont récoltés tout au long de l’année. Les branches, elles, s’accumulent dans les plantations par centaines de milliers de tonnes, sans autre véritable utilité que de se transformer lentement en compost. Du moins jusqu’à maintenant.

La région de Toumanguié, à deux heures de route à l’est d’Abidjan, est l’un des bassins ivoiriens du palmier, dont la culture s’étend sur toute la bande sud du pays. Ici, le tronc des branches, appelé pétiole, va devenir le carburant d’une centrale électrique à biomasse actuellement en construction, dont le démarrage est prévu en novembre 2025.

Plus grande centrale de ce type en Afrique de l’Ouest, elle devrait fournir 46 mégawatts (MW) au réseau, soit l’équivalent de la consommation de 1,7 million de personnes, dans un pays où 30 % de la population n’a pas accès à l’électricité, selon la Banque mondiale. Un investissement de quelque 237 millions d’euros porté par les partenaires du projet (les français EDF et Meridiam, l’ivoirien Sifca) et des prêteurs (Proparco, Emerging Africa Infrastructure Fund).

L’avantage de l’électricité biomasse (produite par combustion d’un déchet organique, quel qu’il soit) est d’être non seulement renouvelable mais aussi dite « de base », contrairement au solaire ou à l’éolien, qui sont intermittents. « C’est une des rares énergies renouvelables qui soient pilotables. Vous pouvez décider de produire ou de ne pas produire, mais la centrale, elle, est censée fonctionner 24 heures sur 24, sept jours sur sept », explique Raphael Ruat, le directeur de Biovea, la société de projet qui fait construire cette infrastructure.

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Autre avantage, insiste-t-il : la création de 1 000 emplois, pendant vingt-cinq ans d’exploitation. Des salariés peu qualifiés, embauchés localement, qui vont notamment assurer la collecte des pétioles dans un rayon de 60 km. « Vous amenez un impact dans une zone locale, loin d’Abidjan et du cœur économique du pays », ajoute M. Ruat.

Lutte contre la pauvreté

Sifca, le leader ivoirien de la culture et de la production d’huile de palme, va fournir environ 25 % des volumes de pétioles grâce à l’immense plantation industrielle de sa filiale Palmci à Toumanguié. Mais les 75 % restants doivent venir de 12 000 petits planteurs situés aux alentours, avec lesquels Palmci travaille déjà pour s’approvisionner en régimes.

« Quand on dit “petits planteurs”, on parle de superficies de cinq hectares en moyenne. En termes de lutte contre la pauvreté, cela va apporter un plus à ces communautés », détaille Raymond Tagouya, directeur agricole des plantations villageoises de Palmci. Les agriculteurs devraient augmenter leurs revenus « de 10 à 15 % » en cédant ces morceaux de bois. « Pour ces petits planteurs, il n’y a vraiment pas de travail supplémentaire, c’est juste un coup de machette, donc vraiment un revenu additionnel », souligne l’agronome ivoirien, ajoutant que les cendres issues de la combustion leur seront retournées sous forme d’engrais.

Souvent décrié pour son rôle dans la déforestation notamment en Asie, le palmier est originaire du golfe de Guinée et son huile est extrêmement populaire dans les cuisines ouest-africaines. C’est l’une des cultures les plus importantes en Côte d’Ivoire : rien que dans la région de Toumanguié, ses plantations uniformes s’étendent parfois à perte de vue. Le potentiel de production d’électricité est donc important : Biovea a identifié « cinq ou six autres sites, pour une capacité totale de 200 MW ». Des discussions, indique la société, sont en cours avec les autorités.

Dans ce pays tropical à l’économie très agricole (20 % du PIB, 45 % des emplois), la ressource est exponentielle, tout comme chez nombre de ses voisins, comme le Ghana ou le Nigeria. Cabosses de cacao (dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial), troncs d’hévéa (qui donne le caoutchouc), coques de noix de cajou, tiges de coton : les autorités ivoiriennes estiment entre 15 et 17 millions de tonnes la production annuelle de déchets agricoles. « Il y a beaucoup de diversité », confirme Norbert N’Goran, consultant et ancien cadre du ministère de l’énergie, soulignant que les autorités ont estimé à environ 1 000 MW le potentiel total de l’électricité biomasse.

Bioénergie, biogaz, biofertilisants…

Un chiffre considérable comparé aux 2 300 MW de capacité actuelle de production du pays, aujourd’hui assurée à 75 % par le gaz, un combustible fossile que le pays exploite au large de ses côtes. « La Côte d’Ivoire dispose d’un secteur électrique assez bien structuré mais est très en retard sur le verdissement de son mix énergétique », note Mathieu Peller, directeur général adjoint de Meridiam, un important développeur d’infrastructures en Afrique et actionnaire de Biovea.

Abidjan s’est engagé dans le cadre de l’accord de Paris à atteindre 42 % d’énergies renouvelables dès 2030. « L’enjeu est de ne plus être dépendant d’une ressource fossile à la fois limitée, chère ou en tout cas dont le prix est imprévisible, et mauvaise pour l’environnement », ajoute M. Peller.

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