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Blanchiment d’argent : la Côte d’Ivoire appelée à renforcer sa lutte

Alors que la Côte d’Ivoire fait face à des pressions internationales pour améliorer son dispositif contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, un autre fait divers attire l’attention : l’arrestation de l’influenceur Apoutchou National, dans un contexte où la justice pénale économique ivoirienne est scrutée.

Le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent (GIABA) a classé récemment la Côte d’Ivoire sur sa liste grise, signalant des lacunes significatives dans la lutte contre le blanchiment de capitaux (BC) et le financement du terrorisme (FT).

Des secteurs à risque criant

Le rapport 2023 du GIABA, publié en partenariat avec le FMI, plusieurs secteurs économiques jouent un rôle clé dans le recyclage de fonds illicites en Côte d’Ivoire. En tête de liste figure l’immobilier, souvent utilisé pour intégrer des capitaux d’origine criminelle. Les paiements en espèces, encore très courants dans ce secteur, accentuent cette vulnérabilité.

La filière café-cacao, pilier de l’économie ivoirienne, est également exposée. Des transactions peu traçables facilitent les infiltrations de capitaux illégaux, particulièrement dans les zones rurales où les mécanismes de contrôle sont faibles. De même, le secteur des métaux précieux, incluant les négociants d’or, manque de supervision efficace, créant un terreau fertile pour les opérations de blanchiment.

Chiffres alarmants et flux financiers suspects

Les statistiques issues de ce rapport sont sans appel. Entre 2017 et 2021, le Pôle Pénal Économique et Financier (PPEF) a ouvert 404 dossiers liés au blanchiment, mais seulement 14 concernaient des cas autonomes, indépendants d’infractions sous-jacentes. Le rapport estime que près de 1 300 milliards de XOF sont blanchis chaque année en Côte d’Ivoire. Cette somme colossale équivaut à plus de 10 % du budget annuel de l’État et met en péril le financement des infrastructures publiques

Le système financier transfrontalier, en raison de la position géographique stratégique du pays, ajoute à la complexité. La Côte d’Ivoire est un centre régional pour les flux financiers entre l’Afrique de l’Ouest et des destinations comme l’Europe et l’Asie, ce qui la rend vulnérable aux pratiques de blanchiment et de financement du terrorisme.

Faiblesses structurelles et solutions proposées

Parmi les lacunes identifiées, l’économie informelle joue un rôle prépondérant. Pesant jusqu’à 40 % du PIB, elle échappe largement aux contrôles étatiques et favorise les transactions en espèces, rendant les flux illégaux difficiles à détecter. Les failles dans la compréhension des typologies de blanchiment par les autorités sont également pointées : peu d’efforts sont faits pour traquer les montages complexes ou les bénéficiaires ultimes des fonds.

Pour remédier à ces faiblesses, le rapport propose plusieurs mesures :

  • Renforcer la supervision des secteurs à risque par des contrôles stricts et réguliers ;
  • Moderniser le système informatique de la CENTIF pour une meilleure analyse des transactions suspectes ;
  • Intensifier les enquêtes parallèles sur le blanchiment autonome et non uniquement lié à des infractions sous-jacentes

L’ affaire Apoutchou National : un exemple criant des défis de traçabilité des flux financiers

L’ affaire Apoutchou National, survenue le 12 novembre 2024, met en lumière les enjeux soulevés par le rapport du GIABA sur le blanchiment d’argent en Côte d’Ivoire. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, l’influenceur Stéphane Agbré, alias Apoutchou National, accompagné de deux complices présumés, déverse des liasses de billets sur le sol, un geste jugé provocateur par les autorités. Cette exhibition ostentatoire a conduit à l’ouverture d’une enquête, en vertu de la loi n°2023-875, qui encadre la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ce cas illustre l’une des failles mises en avant dans le rapport : la traçabilité insuffisante des flux financiers, exacerbée par une économie où les transactions en espèces dominent. L’origine suspecte des fonds exhibés rappelle la vulnérabilité de secteurs comme l’informel et souligne la nécessité d’un contrôle plus rigoureux.

Source : Afriveille

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