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Le Franc CFA, un bouclier économique mal compris (Financial Afrik)

Depuis la réforme de 2019, la politique monétaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)  est formellement souveraine. La France ne siège plus dans les organes de décision de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et n’intervient plus dans la définition de la politique monétaire des pays de la zone. Son rôle se limite désormais à une garantie de convertibilité, uniquement activée en cas de crise de liquidité en devises. En conséquence, la parité fixe du franc CFA avec l’euro n’est plus imposée de l’extérieur, mais résulte d’un choix souverain des États membres de l’UEMOA.

Il est souvent affirmé que cette fixité du taux de change constitue une contrainte pour les économies africaines. Si cette position comporte des éléments de vérité, il est essentiel de nuancer cette critique en rappelant les avantages indéniables qu’offre le maintien de ce régime dans le contexte des petites économies africaines, fortement extraverties et dépendantes du commerce international.

Stabilité face aux chocs extérieurs

La fixité du taux de change, certes contraignante, constitue avant tout un instrument de stabilité macroéconomique, particulièrement important face aux chocs externes tels que la hausse des prix des matières premières ou l’appréciation du dollar américain. En ces temps de volatilité mondiale, où l’instabilité des marchés financiers et des matières premières est devenue la norme, la zone CFA bénéficie d’une protection relative contre ces turbulences. En effet, le lien à l’euro joue un rôle stabilisateur, limitant l’impact de ces chocs sur les prix intérieurs et la valeur de la monnaie locale.

En matière de croissance économique, les pays de l’UEMOA, comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Bénin, affichent des performances supérieures à la moyenne africaine. En 2023, par exemple, la Côte d’Ivoire a enregistré une croissance de 6,5 %, bien au-dessus de celle de pays comme le Nigeria (2,9 %) ou le Ghana (3,1 %). Quant à l’inflation, elle reste modérée dans la zone CFA, souvent inférieure à 3 % en période normale, contrairement à l’hyperinflation observée dans certains pays africains.

À titre d’exemple : Ghana : 38,1 % d’inflation en 2023, Nigeria : 24,5 % et Zimbabwe : plus de 100 %. Ces chiffres traduisent l’incapacité de certains régimes de change flottants à garantir la stabilité des prix et à préserver le pouvoir d’achat des populations.

Le défi des économies peu industrialisées

Dans le contexte des économies africaines faiblement industrialisées, la flexibilité des taux de change n’apporte pas les bénéfices escomptés. Les dépréciations monétaires, loin de stimuler les exportations ou d’améliorer les balances commerciales, ne font souvent qu’alourdir la facture des importations, accroître l’endettement en devises, et entretenir une inflation persistante. La structure des exportations reste inchangée, centrée sur les matières premières, sans transformation ni montée en gamme.

Ainsi, la flexibilité du taux de change, perçue comme un levier d’ajustement dans les manuels économiques classiques, devient dans ce contexte un facteur de déséquilibre, qui aggrave la dépendance extérieure au lieu de la corriger.

Un outil de souveraineté dans un monde instable

Il apparaît donc que la stabilité monétaire offerte par le franc CFA constitue un choix stratégique, assumé par les pays de l’UEMOA pour protéger leurs économies. Ce régime permet de contenir l’inflation, d’attirer les investissements, de renforcer la crédibilité macroéconomique et de favoriser un environnement propice à la transformation structurelle.

Ce système monétaire, loin d’être un héritage colonial figé, est un instrument de souveraineté maîtrisée dans un monde marqué par l’instabilité financière, les chocs climatiques et géopolitiques.

Conclusion : Stabiliser avant de transformer

La question n’est donc pas de savoir s’il faut en finir avec le franc CFA, mais de comprendre comment l’utiliser comme tremplin vers une plus grande autonomie productive. Tant que les économies africaines n’auront pas consolidé leur base industrielle et leur sécurité alimentaire, la stabilité monétaire restera un atout précieux. Le franc CFA, dans sa forme actuelle, peut parfaitement coexister avec des stratégies nationales ambitieuses pour l’industrialisation, l’emploi, et l’innovation.

Par Financial Afrik

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