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Finance

Epargne de la diaspora: la prometteuse alternative qui s’offre aux pays africains pour réduire leur dette colossale

Etouffés par une dette colossale depuis de nombreuses décennies, les pays africains gagneraient à effectuer des emprunts auprès de leur diaspora, les diaspora bonds, pour financer leurs grands projets. Un mode de financement qui présente plusieurs avantages.


Recourir à la dette extérieure pour financer les projets de développement. Telle est la stratégie privilégiée par les pays africains. D’importantes sommes levées auprès des marchés ou bailleurs internationaux, avec souvent des taux d’intérêt très élevés, contraignant ainsi ces Etats à débourser des montants exorbitants qui affectent leurs budgets et modifient leurs plans économiques.

Ces dernières années, des organismes internationaux comme le Fonds Monétaire International (FIM) et la Banque mondiale ont, à maintes reprises, alerté sur le niveau de cette dette. Le récent rapport «Trade and Development Report Update» de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) abonde dans le même sens, en révélant que huit pays sont en situation de surendettement et treize présentent «un risque élevé» de surendettement. Une situation qui risque d’empirer.

Pourtant, une belle alternative s’offre à ces Etats pour réduire cette dépendance à l’encontre de leurs créanciers: les diaspora bonds. En clair, ce sont des emprunts obligataires émis par un gouvernement à destination de sa diaspora, afin de puiser dans leurs actifs logés dans leurs pays d’accueil, pour financer différents projets. Une épargne assez consistante. D’après une rapport de la Banque mondiale de juin 2011, la diaspora africaine épargne pas moins de 53 milliards de dollars par an, dont plus de 30 milliards émanant d’émigrés originaires d’Afrique subsaharienne.

Mais le baromètre qui illustre le poids économique de ces expatriés, c’est surtout les montants colossaux transférés chaque année sur le continent. En 2021 par exemple, ils ont envoyé 95 milliards de dollars dans leurs pays d’origine, selon l’institution de Breton Woods, dont 49 milliards en Afrique subsaharienne et 46 milliards de dollars en Afrique du Nord.

Avec ses 31,5 milliards de dollars, l’Egypte est le pays africain qui le plus bénéficié de ces fonds, qui représentaient 7,9% de son PIB la même année. Le Nigéria avec 19,2 milliards de dollars notamment grâce à ses ressortissants basés au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis, et le Maroc qui a reçu 10,4 milliards de dollars, le Ghana (4,5 milliards de dollars) et le Kenya (3,7 milliards de dollars) complètent le Top 5.

Une grande partie de cet argent envoyé par la diaspora est destinée à la consommation. De véritables filets sociaux pour leurs parents, proches ou amis. Seule une infime partie est investie dans certains projets, notamment dans l’immobilier. D’où la nécessité pour les pays africains de les inviter à changer d’approche. Autrement dit, passer d’une logique de subsistance à un défi de croissance. Et c’est tout à fait possible. D’après l’ancien économiste en chef de la Banque africaine de développement (BAD) Mthuli Ncube, «près de 10 milliards de dollars peuvent être collectés chaque année auprès de la diaspora africaine».

L’Ethiopie et le Nigéria montrent la voie

Deux pays ont confirmé la faisabilité de cette démarche: l’Ethiopie et le Nigéria. Addis-Abeba a été le premier pays africain à tenter cette expérience en 2008, avec un emprunt sur dix ans auprès de sa diaspora. En 2018, une deuxième levée de diaspora bonds permet à ses émigrés d’investir 56 millions de dollars dans le projet de construction de la centrale hydroélectrique de Grand Renaissance (6450 MW), selon un communiqué publié en mars 2018 par le ministère des Affaires étrangères.

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Le Nigéria a récolté 300 millions de dollars lors sa première levée de fonds le 19 juin 2017, grâce à ses ressortissants établis aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, en s’appuyant notamment sur les banques nigérianes UBA et FNB. Fin avril 2022, Patience Oniha, directrice générale de l’Office de gestion de la dette du Nigeria avait déclaré à l’agence américaine Bloomberg, que son pays envisageait d’émettre de nouveaux diaspora bonds pour faire face aux pressions financières que subit le pays. En effet, le déficit budgétaire de l’Etat nigérian devait atteindre 17 milliards de dollars en 2022, notamment à cause des impacts de la guerre ukrainienne sur les produits de base.

En dehors des Etats, les banques s’intéressent aussi de plus en plus à ce modèle de financement. Le 16 mai 2019, la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS) a lancé ses premiers Diaspora Bonds, devenant ainsi la première banque en Afrique de l’Ouest à tenter cette expérience. Sa cible: la diaspora sénégalaise qui transfère chaque année plus de 2,5 milliards de dollars, selon la Banque mondiale. Elle leur proposait l’achat de titre d’une valeur de 10.000 FCFA, pendant cinq ans, avec un taux de rendement de 6,25%.

Une offre qui a visiblement séduit bon nombre d’entre eux, puisque la banque a pu lever un montant global de 22,780 milliards de FCFA (plus de 32 millions d’euros) d’immigrés résidant dans 26 pays, soit plus que son objectif initial de 20 milliards de FCFA.

«Les obligations «Diaspora Bonds BHS 6,25% 2019-2024» combinent à la fois la réforme des garanties (émission sur la base de la notation), les incitations fiscales (émissions défiscalisées par l’Etat sénégalais) et la liquidité (titres cotés à la BRVM)», avait déclaré Edoh Kossi Amenounvé DG de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), lors de la cotation de ces Diaspora Bonds, le 3 décembre 2019 à Dakar. Selon la BHS, ces fonds lui permettront de poursuivre ses projets de commercialisation de logements et de financer des investissements au Sénégal. Cet argent servira aussi à financer des promoteurs immobiliers et des projets immobiliers de ses clients.

D’après plusieurs experts africains de la finance, au-delà de leur impact économique, les diaspora bonds permettront aux Etats africains de mieux cartographier leur diaspora et d’avoir une meilleure visibilité sur leur puissance financière. Mieux, ces derniers recevront une prime de risque sur leurs investissements que celui d’un investisseur ordinaire, car ils privilégieront le patriotisme économique.

Lors d’un forum intitulé «Développement sans frontières: Mobiliser la diaspora africaine pour une croissance inclusive et un développement durable en Afrique» organisé par la BAD le 1er décembre 2022 à Abidjan, Akinwumi Adesina, président de la BAD, avait invité les Etats africains à s’intéresser à l’épargne de leur diaspora qui compte 160 millions de personnes. «Parce que le flux de transferts de fonds vers l’Afrique est élevé, en hausse et stable, il offre d’énormes possibilités pour servir de garantie et assurer le financement des économies africaines. Les pays africains devraient titriser les transferts de fonds pour stimuler les investissements, notamment en matière d’infrastructures sur le continent», avait-il suggéré.

Au niveau mondial, Israël et l’Inde sont deux cas d’école dans le domaine des diasporas bonds. Tel-Aviv est considérée comme la pionnière dans le monde, après sa première levée de fonds de 32 milliards de dollars en 1951. Selon la Banque mondiale, la dette «diaspora» d’Israël représentait plus de 30% de l’encours total de la dette extérieure du pays en 2005. L’Inde, pour sa part, a pu emprunter 11 milliards de dollars auprès de sa diaspora, lors des souscriptions effectuées en 1991, 1998, et 2000. Une somme qui était destinée à rééquilibrer sa balance des paiements après les sanctions internationales suite à ses essais nucléaires.

Encourager la diaspora à investir c’est bien, mais faudrait-il encore leur garantir un environnement économiquement stable, à l’abri de risques monétaires qui peuvent compromettre leurs investissements.

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